2025 : Circuit de découverte géologique dans l'Aude et le Pays Cathare

Dès 2019 après l’Ardèche, les discussions avec Jacques Thibiéroz avaient fait émerger le Luberon et les Corbières pour les futures destinations de l’association. Mais la Bretagne étant déjà dans les tuyaux à l’époque, et la pandémie venant ensuite perturber nos projets, il aura fallu attendre 2023 pour que la première des deux destinations voie enfin le jour. Jacques nous avait malheureusement quittés un an auparavant et, même si je les connaissais beaucoup moins bien que le Luberon, les Corbières étaient donc en tête des priorités depuis, en particulier – mais pas uniquement – pour honorer sa mémoire.

Les côtes girondines et charentaises ont malgré tout pris la priorité pour l’année de lancement de GéoCaps France en 2024, mais à peine ce circuit achevé, nous partions déjà pour Limoux, pour une semaine de repérages dans un secteur dont je n’avais jusque-là qu’une connaissance purement théorique du point de vue géologique. Au-delà de la Montagne d’Alaric entraperçue rapidement lors de trajets sur l’autoroute entre Carcassonne et Narbonne, ma seule incursion en Pays Cathare remontait à 2010, où j’avais pu découvrir, en quelques jours, l’abbaye de Fontfroide, la forteresse de Montségur, et la cité de Mirepoix qui m’avait alors fortement impressionné.

Ce sont ces souvenirs, et peut-être l’envie de bousculer un peu les habitudes, qui m’ont conduit à proposer aux adhérents à l’été 2024 un circuit conçu non pas à partir de l’histoire géologique, mais autour de cinq journées consacrées à cinq sites emblématiques (Fontfroide, Caracassonne, Mirepoix, Montségur, et PeyrepertuseQuéribus), en les replaçant à chaque fois dans leur contexte géologique. Mais dès fin 2024 après les premiers repérages, cette idée avait déjà été abandonnée au profit d’un format de circuit plus traditionnel, avec toutefois une journée manquante. Le massif de Mouthoumet ou la Montagne Noire ? C’est l’assemblée générale de l’AGSO, programmée en Avril 2025 dans le Sidobre, qui a fait pencher la balance au Nord, en nous offrant l’opportunité d’aller passer une journée dans les carrières de Caunes-Minervois et à Lastours, immédiatement intégrés dans le programme, dès lors élargi à l’Aude et au Pays Cathare plutôt qu’aux seules Corbières.

La géologie de la Nappe des Corbières Occidentales et des déformations de l’avant-pays n’est pas particulièrement simple à expliquer, mais en y rajoutant les têtes de nappes plongeantes du flanc sud de la Montagne Noire, on monte carrément de plusieurs crans dans la complexité ! Malgré tout, le public attentif et passionné s’est accroché, aidé par la beauté des sites et des paysages visités. Le choix de la dernière semaine de Juin était risqué d’un point de vue météo, et malheureusement la première canicule de l’été 2025 nous a écrasés sous des chaleurs souvent à la limite du supportable. Mais au vu des incendies tragiques qui ont ravagé la région quelques semaines après, nous pouvons nous consoler en nous disant que plus tard dans l’année, nous aurions probablement été contraints d’annuler !

Laurent Massé

Photos : tous les membres du groupe

Panoramas légendés générés sur udeuschle.de – © Ulrich Deuschle 

Diaporama d’introduction

Partie 1 : Relief, hydrologie et cadre géologique

Partie 2 : La Montagne Noire

Partie 3 : Du Trias à l’Eocène

Partie 4 : La nappe des Corbières

Découverte géologique de l'Aude et du Pays Cathare - les participants

Au sommet du Pic de Brau le Jeudi soir, avec le Pech de Bugarach à l’horizon. De gauche à droite : Patrick Petit, Patrice Onfray, Marie-Hélène Bonnin, François Bonnal, Catherine Ham, Véronique Onfray, Laurent Ham, Anne Laroche, Roland Pantel, Elisabeth Kahn, Jacqueline Bourdillon, Jean Molines, … (derrière Jean Molines), Nouche Mogniat, Michel Bourdillon, Laurent Massé.

Le programme

(les couleurs des en-têtes de chaque journée ci-dessous correspondent aux couleurs sur la carte)

Samedi 21 Juin

Rendez-vous et installation au camping du Domaine d’Arnauteille à Montclar.

Dimanche 22 Juin : Carcassonne

10h30 : Conférence-diaporama : géographie et histoire géologique des Corbières.

12h : Départ pour Carcassonne, pique-nique et café dans les jardins de l’Hôtel du Département de l’Aude, visite du jardin géologique de la « carrière des plantes ». Visite libre de la Cité de Carcassonne.

Sur le parvis de l’Hôtel du Département de l’Aude, la « carrière des plantes » présente de beaux échantillons de roches de 26 carrières du département, agrémentés de végétaux ne nécessitant ni arrosage, ni engrais, ni produit phytosanitaire. Une très belle réalisation du service Aménagement des Territoires.

La Porte Narbonnaise, entrée est de la Cité de Carcassonne (cliché Octobre 2024).

Les murs de l’enceinte de la Cité utilisent très largement la molasse de Carcassonne, dont on trouve de beaux moellons montrant des grains de tailles variées et des granoclassements.

L’abside et les vitraux du chœur gothique de la basilique Saint-Nazaire et Saint-Celse (IXe – XIVe siècles), l’un des joyaux de la Cité.

Perspective sur les remparts de la Cité côté ouest.

Construite au XIXe siècle par Viollet-le-Duc sur le site d’une ancienne chapelle éponyme du XVIe siècle, l’église Saint-Gimer (évêque de Carcassonne de 902 à 931) se dresse au pied des remparts dans le quartier de la Barbacane.

Depuis les remparts, la ville de Carcassonne, avec à l’arrière-plan l’église Saint-Vincent au cœur de la bastide Saint-Louis.

Lundi 23 Juin : le chevauchement frontal nord-pyrénéen de Bugarach à Quéribus et la vallée de l'Agly

9h : Départ pour les Hautes Corbières. Panorama sur le Pech de Bugarach depuis l’observatoire des vautours. Les gorges de Galamus. Pique-nique et café à Saint-Paul de Fenouillet. La clue de la Fou. Panorama sur le Fenouillèdes depuis la montée vers le chevauchement frontal nord-pyrénéen. Le site du château de Quéribus, le chevauchement frontal nord-pyrénéen près de Cucugnan, le site du château de Peyrepertuse. Arrêt au château d’Arques.

A l’ouest de Bugarach, cette lame verticale de calcaires récifaux urgoniens, émergeant de formations marneuses et argileuses meubles du Crétacé moyen, souligne la branche nord du chevauchement frontal nord-pyrénéen, dédoublé dans ce secteur. La branche sud, jalonnée par les calcaires du Jurassique inférieur, est visible à l’horizon.

Sur la face nord-ouest du Pech de Bugarach, ces falaises de dolomies jurassiques correspondent au flanc inverse de la structure anticlinale complexe qui arme ce sommet mythique.

Les Gorges de Galamus, creusées par l’Agly à travers le chevauchement frontal nord-pyrénéen, entaillent ici la masse des calcaires récifaux urgoniens, face à l’ermitage Saint-Antoine.

A quelques kilomètres au Sud des Gorges de Galamus, la Clue de la Fou est creusée par l’Agly à travers la muraille de calcaires urgoniens marquant le flanc sud du synclinal du Fenouillèdes.

Au débouché sud de la Clue de la Fou, à quelques mètres du contact avec les calcaires urgoniens, le granite varisque de Lesquerde est fortement cataclasé.

Panorama sur le synclinal du Fenouillèdes, depuis la route montant de Maury au château de Quéribus. On devine à droite la Clue de la Fou, entaillant la muraille de calcaires urgoniens qui marquent la limite sud du synclinal. Le sommet du Canigou, pratiquement invisible du fait de la nébulosité, est à l’horizon au tiers gauche de l’image.

Perchée sur le chevauchement frontal nord-pyrénéen, la forteresse de Quéribus, qui est l’une des « citadelles du vertige », domine au Nord le Fenouillèdes et la plaine du Roussillon.

Entre Quéribus et Cucugnan, ces teintes rouges révèlent la présence du Trias, qui marque le passage du chevauchement frontal nord-pyrénéen. Ici, les dolomies, calcaires et marnes du Jurassique basal (à droite) chevauchent vers le Nord les marnes et grès du Crétacé moyen qui affleurent en bas de coteau. A l’horizon à gauche, le Pech de Fraysse correspond à des calcaires récifaux urgoniens.

Charriés et pincés sous le chevauchement, ces poudingues du Crétacé terminal sont affectés par des failles inverses qui découpent les galets qu’ils renferment.

Perchée sur une masse de calcaires à rudistes du Crétacé terminal poussés à l’avant du  chevauchement frontal nord-pyrénéen, la forteresse de Peyrepertuse, une autre « citadelle du vertige », fait face à celle de Quéribus, une dizaine de kilomètres au Nord-Ouest.

Sous la forteresse de Peyrepertuse, l’anticlinal de la Caune du Castel affecte les calcaires crétacés sur lesquels elle est perchée. De complexes déformations, peut-être des glissements postérieurs au dépôt, affectent les couches supérieures.

Le château d’Arques, ancienne maison forte de la fin du XIIIe siècle.

Mardi 24 Juin : Cabardès et Minervois, le flanc sud de la Montagne Noire

9h : Départ pour la Montagne Noire. Les carrières de marbre de Caunes Minervois. Pique-nique et café à l’esplanade de la chapelle Notre-Dame du Cros et les déformations dans le flysch ordovicien. Visite libre de l’abbaye de Caunes-Minervois. Départ pour Lastours. Depuis les hauteurs du village, panorama les quatre châteaux et l’ancienne mine d’or de Salsigne.

A Caunes-Minervois, le front de taille des carrières Cyrnos, qui exploitent le marbre incarnat.

Des blocs de marbre incarnat à l’entrée des carrières Cyrnos.

En rive gauche de l’Argent Double, les falaises montrent des plis très resserrés dans les marbres dévoniens.

Front de taille dans l’ancienne exploitation de marbre incarnat dite « carrière du Roy », dont furent extraites les colonnes du Grand Trianon. Les pièces dégagées et taillées sur place étaient acheminées vers Carcassonne et exportées via le « canal royal de Languedoc », dont la construction a été achevée en 1681 (renommé « Canal du Midi » après la révolution).

Calcaires griottes dans une ancienne carrière.

Affleurements de lydiennes carbonifères près du front de la nappe du Minervois.

Le dallage de la chapelle Notre-Dame du Cros, en marbre incarnat et marbre gris moucheté.

Intenses déformations dans le flysch ordovicien près de la chapelle Notre-Dame du Cros.

Le chevet de l’abbaye de Caunes-Minervois, encadrée par les deux clochers sud (à gauche) et nord (à droite).

Dans l’abbaye de Caunes-Minervois, du marbre jusque dans les toilettes !

Sur les dolomies cambriennes verticales de la nappe du Minervois, les quatre châteaux de Lastours (de gauche à droite Cabaret, Tour Régine, Quertinheux et Surdespine) dominent les gorges de l’Orbiel.

Depuis le belvédère des châteaux de Lastours, l’ancienne mine d’or de Salsigne et le chevalement du Puits Castan près du village de Villanière.

Mercredi 25 Juin : les Pyrénées ariégeoises, de Montségur à Mirepoix

9h : Départ pour Mirepoix, visite libre de la bastide. L’anticlinal de Dreuilhe dans les « petites Pyrénées », pique-nique et café à Gréoulou. Le château de Montségur, visite du musée archéologique au village. La résurgence karstique de Fontestorbes. Le château de Puivert.  

A Mirepoix sur le « Grand Couvert », quelques unes des 104 sculptures ornant les extrémités des sommiers et les piliers de soutènement de la Maison des Consuls, du XVe siècle, ancienne maison de justice et prison aujourd’hui transformée en hôtel.

Façades à colombages à Mirepoix.

Encore et toujours du marbre incarnat, cette fois-ci sous la halle de Mirepoix.

Au pied des Pyrénées, autour de Lavelanet (à droite de l’image), l’anticlinal de Dreuilhe est un modèle de relief jurassien : deux crêts périphériques armés par les calcaires lacustres du Crétacé terminal et de l’Eocène basal encadrent deux combes creusées dans des marnes plus tendres. Le mont dérivé central correspond aux grès sous-jacents, plus résistants à l’érosion.

La forteresse de Montségur, perchée au sommet d’un lambeau de calcaires urgoniens sur le chevauchement frontal nord-pyrénéen, domine l’avant-pays du haut de son nid d’aigle.

Ce qu’il reste du logis de la forteresse de Montségur.

La résurgence de Fontestorbes, exutoire du karst des plateaux de Sault, est célèbre pour son caractère intermittent dès lors que le débit moyen journalier descend en dessous de 1,04 m3/s.

Jeudi 26 Juin : les formations tertiaires de la vallée de l'Aude

Départ à 9h. Le village et l’abbaye d’Alet les Bains, le site de Rennes le Château, le tertiaire vertical de Couiza. Pique-nique et visite du musée des dinosaures à Espéraza. Les formations tertiaires entre Couiza et Limoux, autour de Roquetaillade. Panorama du Pic de Brau.

Les ruines de l’abbaye bénédictine d’Alet-les-Bains, construite en grès éocènes versicolores.

Un ancien chenal dans les formations lacustres et continentales rouges du Vitrollien (Eocène basal) près de Rennes-le-Château.

Stratifications en auges dans les calcaires du Thanétien (Eocène inférieur) à Rennes-le-Château.

A Rennes-le-Château, la Tour Magdala, fantaisie néogothique de l’abbé Saunière, domine le village d’Espéraza dans la vallée de l’Aude et les collines du Quercorb à l’horizon.

Depuis Rennes-le-Château vers le Sud, les formations rouges continentales du Vitrollien (Eocène basal) surmontent les calcaires lacustres du Rognacien (Crétacé terminal), dans lesquels est creusé le vallon du Ruisseau de Couleurs.

Les alternances marno-calcaires du Thanétien (Eocène inférieur), verticalisées dans le flanc sud du synclinal de Couiza – Espéraza, entre les deux villages.

Quelques exemples de turritelles, glanées dans les marnes de l’Ilerdien inférieur au pied du Moulinas de Roquetaillade. On y trouve également quelques beaux spécimens de polypiers solitaires.

Depuis Roquetaillade, la structure monoclinale à pendage ouest des formations éocènes est particulièrement nette. De droite à gauche (et donc de bas en haut), la retombée de la cuesta du Pic de Brau (calcaires lacustres du Thanétien inférieur), la vallée de la Corneilla creusée dans les marnes rouges gypseuses du Thanétien supérieur, la cuesta du calcaire marin basal de l’Ilerdien au centre, la combe des marnes à turritelles de l’Ilerdien moyen et, sous les éoliennes, la cuesta des grès à nummulites de l’Ilerdien supérieur.

Depuis la table d’orientation vers le Sud, l’enfilade du champ d’éoliennes du Pic de Brau, et l’entaille de la vallée de l’Aude dans le prolongement.

Panorama vers l’Est depuis la table d’orientation du Pic de Brau. A gauche, les crêtes des Petites Corbières correspondent aux formations éocènes au Sud de la Montagne d’Alaric. Au centre, les lourdes croupes boisées du massif paléozoïque de Mouthoumet s’étendent au Sud jusqu’au Pech Cardou qui se dresse à quelques kilomètres au Nord de Rennes-les-Bains. Tout-à-fait à droite, la silhouette caractéristique du Pech de Bugarach marque le chevauchement frontal nord-pyrénéen.

Vendredi 27 Juin : Fontfroide, la nappe des Corbières et la Montagne d'Alaric

9h : Départ pour les Corbières occidentales. Visite libre de l’Abbaye de Fontfroide. Pique-nique et café sur place. Le chevauchement de la nappe des Corbières à Taura. L’anticlinal et la cité de Lagrasse, le synclinal de Montlaur et les gorges du Congoust.

Fondée en 1093, l’abbaye de Fontfroide, bénédictine puis cistercienne à partir de 1145, est construite en grès éocènes versicolores, comme celle d’Alet-les-Bains.

Le cloître de l’abbaye de Fontfroide.

Détail des colonnettes du cloître de l’abbaye de Fontfroide.

La nef, l’abside et le choeur de l’église de l’abbaye de Fontfroide.

A Taura, au pied du chevauchement frontal de la nappe des Corbières, auquel correspondent les deux éperons de calcaires dolomitiques du Trias terminal au centre et à droite de l’image. A gauche, sous le chevauchement, les niveaux de l’Eocène basal du Col Rouge.

A Taura, sur le chevauchement frontal de la nappe des Corbières. A gauche et à droite de l’image, les calcaires dolomitiques du Trias terminal chevauchent l’Eocène basal, dont les niveaux rouges sont visibles à gauche au niveau de la route. A l’arrière-plan au centre, les calcaires lacustres du Crétacé terminal de Sur Roque.

Le Pont-Vieux de Lagrasse enjambant l’Orbiel.

Dominant Lagrasse, le Roc de la Cagalière est un « duplex », superposition de 5 écailles de calcaire marin basal de l’Ilerdien en position normale, poussés à l’avant du flanc chevauchant et renversé de l’anticlinal de Lagrasse, dont les calcaires lacustres du Thanétien en haut du coteau font partie. Pour compliquer le tout, l’écaille supérieure de calcaires marins montre la charnière d’un synclinal couché. Un casse-tête pour de nombreuses générations d’étudiants en géologie !

A l’entrée des gorges du Congoust, les calcaires lacustres du Rognacien surmontent les argiles et limons rouges fluviatiles du Bégudien, affectés ici d’une schistosité liée à la déformation dans la charnière du synclinal de Montlaur. Ces deux niveaux marquent la toute fin du Crétacé.

Quelques dizaines de mètres plus haut le long de la route, détail de la schistosité affectant cette fois-ci les niveaux rouges du Vitrollien (Eocène basal) sous les calcaires lacustres du Thanétien.